QUARANTAINE, LE DÉBUT DE LA FIN ?

Shanghai, le Bund, mars 2020

PASSAGE EN NIVEAU 2

Puisqu’à présent, le monde entier est concerné par le Coronavirus, et que nous sommes tous inondés de mauvaises nouvelles venant de l’Ouest, voici quelques bonnes ondes en provenance de la Chine, pour que malgré tout, espoir vous gardiez

N’oubliez pas les consignes…

1. Depuis le mardi 24 mars, Shanghai est passé du niveau 1 au niveau 2 concernant sa réponse d’urgence face à l’épidémie. Le niveau 1 (niveau maximum sur un total de 4) avait été activé le 24 janvier, deux mois plus tôt donc. Deux mois durant lesquels tous les résidents de Chine ont pratiqué, et pratiquent encore : le confinement (selon les villes et les voyages récents), le port du masque systématique dès que l’on sort de chez soi, les contrôles de température partout dans la ville, la présentation d’un QR code attestant de son historique de « déplacements » durant les 14 et 15-30 derniers jours (donc la surveillance de tous nos mouvements), et les tests de dépistage.

2. Aucun nouveau cas local comptabilisé à Shanghai depuis le 3 mars, mais 94 cas « importés » à ce jour, détectés grâce aux tests massifs (et à présent systématiques) effectués aux aéroports à l’arrivée dans la mégapole. Quarantaine stricte obligatoire, à la maison ou dans des lieux dédiés (des « hôtels »), pour tous ceux qui sont passés par un des 24 pays dits à haut risque (dont la France, l’Italie, les USA, l’Allemagne etc.). Une organisation titanesque, un travail de fourmis, une efficacité toute chinoise. RES-PECT !

3. Wuhan : annonce de la levée des restrictions de déplacements dans la ville pour le 8 avril.  « La population du Wuhan a fait preuve d’une remarquable résilience » (Olivier Guyonvarch, consul général de France à Wuhan). En attendant, opérations massives de désinfection du métro, on se croirait dans un film de science-fiction…

Désinfection du métro de Wuhan (crédit : O. Guyonvarch)

4. Près de 20 provinces et villes de Chine, dont Shanghai, ont rouvert leurs sites touristiques. De plus en plus de librairies rouvrent leurs portes, j’attends personnellement la réouverture de L’Arbre du Voyageur avec impatience… Pour le reste, c’est toujours très progressif, commerces en horaires réduits, prestations de services en mode minimum, idem pour les sites culturels et touristiques, restaurants ouverts mais pas le midi pour beaucoup, et très vides le soir en général. Les livreurs ne peuvent toujours pas déposer leurs paquets en mains propres mais à l’entrée des résidences ou des lanes. Mais on y croit, ça repart ! Il y a du monde (masqué) dans la rue et même des embouteillages… On a le sentiment que la ville sort lentement et toute chancelante d’une longue hibernation, bientôt le printemps et l’été lui redonneront sa vigueur !

Livreurs et contrôle de température (crédit : Vent de la Chine)

5. Plutôt que d’évoquer le chômage qui augmente et les fermetures en chaîne de commerces et petites entreprises, je préfère parler des secteurs à qui profitent cette crise sanitaire : le e-commerce (notamment alimentaire), la livraison sans contact (avec développement des casiers intelligents), le live-streaming maintenant utilisé par les agents immobiliers/cosmétiques/cuisiniers, le e-learning qui a explosé pour devenir accessible à plus de 50 millions d’étudiants, les visites virtuelles de musées, et le télétravail bien sûr. L’avenir nous dira si cette progression sera durable ou pas… Pour plus de détails, je vous conseille la lecture de cet excellent article du Vent de la Chine : Avant/après : l’héritage de cette épidémie.

COVIDMINUTE

Le coro-tableau du 24/03/2020 (source : http://www.covidminute.com)

Ceux qui ont suivi mes dernières publications ont en général apprécié ma recommandation de LA source d’informations du docteur Guillaume Zagury, expert en Santé Publique et avec 20 ans de Chine dans ses bagages. Un angle à 360 degrés sur le monde entier, des propos sérieux, factuels, clairs, et malgré tout porteurs d’espoir. A suivre sur Facebook, LinkedIn, ou sur son site www.covidminute.com

DES NEWS DE LA CASA GOURGUES

Suite à son BasilExit (cf mon post précédent), notre fils est donc bien arrivé à Paris, bichonné chez nos amis pour suivre la fin de ses cours en ligne et passer ses examens. On a hâte de se revoir, mais on ne sait pas quand… Tiphaine, quant à elle, est en semaine OFF. Lundi prochain, reprise du e-learning du lycée, jusqu’à une date toujours indéterminée. On commence même à parler de bac blanc de français en ligne ! Les écoles de Suzhou (ville d’eau non loin de Shanghai) vont rouvrir le 30 mars. Espoir, espoir… Côté parents, ça bosse dur, ça fait des budgets (aie !), ça anticipe la reprise, ça change les organisations et les plannings, ça lit, ça écrit, ça téléphone, ça zoome/facetime/skype, ça fait du sport… Sans voyages ni diners pros depuis fin janvier et qui ne reprendront pas de sitôt, la famille et la planète disent MERCI !

FIN DE LA QUARANTAINE D’ANDREA

Andrea de retour dans sa residence (crédit : AC)

Dans ma Chronique de Retours Annoncés, je vous parlais d’Andrea, ressortissant italien envoyé en quarantaine dans un hôtel de Suzhou, après un séjour en Corée du Sud. Il est à présent sorti de son confinement. Cela a tout de même été décalé, car il a de nouveau dû subir un test au coronavirus, et attendre les résultats 48h. Vendredi 20 mars, avec son certificat de non-contamination en poche, il a enfin pu rejoindre son domicile, sans même avoir à payer son séjour à l’hôtel (ce qui à présent est obligatoire). Quelques palabres furent tout de même nécessaires aux portes de sa résidence, et il doit encore signaler toutes ses entrées et sorties. A présent, Andrea est très inquiet pour ses proches en Italie, et se sent comme nous tous plus loin que jamais de sa famille…  Il traque les news et espère chaque jour voir les courbes et statistiques commencer à infléchir.

NICOLAS, CHAMPION DE LA QUARANTAINE

Dans l’idée de partager des expériences différentes, je vous présente Nicolas, dont le parcours atypique peut faire relativiser certains confinés.

Jusque-là, tout va bien

La photo de mariage (crédit : NL)

A bientôt 35 ans, Nicolas est tombé amoureux de la Chine en 2010, suite à un stage lors de ses études de commerce. Il s’y est donc installé, a appris le mandarin et travaille comme agent pour des producteurs de vins de Bourgogne et Côtes du Rhône. A ses heures perdues, il est aussi magicien, et anime de nombreux spectacles dans tout le pays. Il rencontre Dana il y a trois ans, et la demande en mariage. Les papiers sont faits en novembre 2019, il ne reste plus qu’à célébrer l’événement. Jusque-là, tout va bien…

1er confinement, dans le Hubei

Le village familial entouré de foyers infectieux (crédit NL)

La fête du mariage dans la famille de Dana est prévue pour le 27 janvier, pendant les traditionnelles vacances du Nouvel An Chinois, dans la région du Hubei, à quelques kilomètres de Wuhan… Le 21 janvier, les deux fiancés prennent donc le train, un peu inquiets, mais sans imaginer la suite. Le vol des parents de Nicolas a été annulé, ils ne seront pas de la fête. Par précaution, le jeune couple ne descend pas à la gare de Wuhan, mais à celle d’avant, et termine le trajet en voiture. Le 23 janvier, la ville et la région tombent en lock-down, tout est bouclé, la fête de mariage est annulée. Impossible pour Nicolas et Dana de repartir sur Shanghai. Ils restent donc dans la famille, où tous s’entraident au sein du village en mode troc et débrouille, on s’échange des poulets contre des légumes. -4kg sur la balance… En contact avec le consul général de France à Wuhan dès le départ du premier avion de rapatriement, Nicolas espère encore une accalmie… Mais 28 jours après leur arrivée dans le Hubei, le couple décide finalement de partir par le 3ème avion affrété par les autorités françaises.

2ème confinement, en Normandie

Avec ses compagnons de quarantaine à Branville (crédit : NL)

Direction Branville en Normandie, pour une quarantaine de 14 jours, dans un centre Pierre&Vacances, dont une partie a été mise en isolation pour pouvoir les loger. « A part la météo très pluvieuse, c’était vraiment bien, on a été très bien accueillis, les tests de dépistage étaient négatifs, on a vécu dans une bulle avec les autres de l’avion, avec qui on a tissé des liens d’amitié uniques ! ». Au bout de 14 jours, le 6 mars, adieu la Normandie, Nicolas et sa femme rejoignent Paris puis Dijon dans la famille de Nicolas. « Nous étions vraiment inquiets de l’attitude des Français, personne ne semblait réaliser le danger, personne ne portait de masque dans le métro, le train… ».

3ème confinement, à Shanghai et séjour à l’hôpital

Le 10 mars, après avoir prodigué moults conseils à la famille, ils repartent sur Shanghai via Moscou, ayant trouvé des billets au prix raisonnable sur la compagnie Aeroflot. « A Moscou, tout le monde était en masque et l’avion était plein à craquer, des Chinois, des Italiens, pleins d’étrangers ». A l’arrivée à Shanghai, il faut passer les procédures de sécurité sanitaire, questionnaires, contrôle de température, passage aux douanes et au final, pastille orange sur le passeport et envoi en quarantaine au domicile, ouf ! A cette époque, pas de dépistage systématique car la France n’est pas encore sur la liste des pays à haut risque…

Nicolas à l’hôpital (crédit : NL)

Deux jours plus tard, vendredi 13 (!), le téléphone sonne, « il y a un cas suspect qui était dans votre avion, deux rangées devant vous. Par précaution, vous devez finir votre quarantaine dans un hôtel dédié. ». Nicolas et Dana refont donc leurs bagages respectifs, car ils savent qu’ils seront dans deux chambres séparées. Mais Nicolas se sent fébrile, il tousse, a très mal à la gorge et sa température est de 37,5… Pour lui, direction l’hôpital donc. Il réalise alors qu’il n’a plus d’assurance santé depuis début janvier… Il en souscrit une en urgence, spécial Covid19. Il subit alors une batterie de tests, prise de sang, scan des poumons et dépistage au coronavirus. Bonne nouvelle, rien à signaler, à part une grosse angine ! On le soigne et son état s’améliorant, il sort de l’hôpital le 17 mars, direction l’hôtel de quarantaine. Là, il déchante rapidement, c’est assez spartiate, les repas sont « très peu à son goût », impossible de se faire livrer de la nourriture, il fait sa lessive à la main avec les moyens du bord. Nicolas occupe alors ses journées à faire des montages avec toutes les vidéos qu’il a prises depuis le début de son périple coronaviral, à jouer avec sa Playstation (qu’il avait pris soin d’embarquer dans ses bagages !), et se sèvre contraint et forcé de la cigarette (interdiction de fumer et impossible de se faire livrer du tabac).

Un nouveau tour de magie ?

Nicolas le magicien (crédit : NL)

La sortie est prévue le 26 mars, Nicolas va enfin retrouver sa jeune épouse. Côté boulot, il espère que le secteur de l’importation de vins va repartir aussi vite que possible et va s’atteler à la tâche dès demain. La fête de mariage en France est prévue pour le 20 juin, il a déjà réservé et engagé des frais, mais doute fort que cela puisse être maintenu… Faut-il reporter à 2021 ? Mais lueur d’espoir, il vient d’être contacté pour assurer des spectacles de magie dans un parc d’attractions en Chine ! Un vrai signe d’amélioration de la situation. Nicolas, si tu pouvais nous faire disparaitre ce satané virus d’un tour de magie, le monde entier te serait reconnaissant…

IDEE DE LECTURE SPECIALE CONFINEMENT

En cette période de slow life et de retour aux choses simples, je vous propose une lecture qui vous fera prendre un bon bol d’air, luxe appréciable pour ceux qui sont enfermés en appartement… Si vous n’avez pas de Kindle, il existe des sites de téléchargements gratuits, j’ai trouvé ce livre sur celui-ci.

LA PANTHERE DES NEIGES de Sylvain Tesson

La panthère des neiges, animal mythique et légendaire, que tant d’hommes ont rêvé apercevoir, ne serait-ce que de loin… Lorsque son ami, le photographe animalier Vincent Munier, lui propose de le suivre à la recherche de ce félin mystérieux, Sylvain Tesson ne peut que signer. Et partir avec deux questions en tête. Cet animal existe-t-il toujours ? Si oui, le verront-ils ?

(crédit photo : Vincent Munier)

L’art de l’affût

L’équipe s’envole vers les hauts plateaux du Tibet par un mois de février. Ils campent à plus de 4.000 mètres d’altitude : l’air est coupant, comme à vif, sentant la pierre froide, il fait -25 degrés le jour, -35 la nuit. Le ciel était bleu comme une enclume, ils tutoient la beauté, observant la valse lente de l’espèce animale, et tentant de voir l’invisible. Inspiré par ce spectacle époustouflant, l’auteur laisse libre cours à ses réflexions sur le règne animal, l’homme, et le rôle qu’il s’est attribué sur Terre, sans oublier d’être drôle par moments… :

Les animaux incarnent la volupté, la liberté, l’autonomie : ce à quoi nous avons renoncé.

L’une des traces du passage de l’homme sur la Terre aura été sa capacité à faire place nette […] il était un nettoyeur.

Comme les monitrices tyroliennes, la panthère des neiges fait l’amour dans des paysages blancs.

Un chat dans une gorge

En campement dans le canyon des panthères, les aventuriers attendent pendant plusieurs jours. Heures de froid, de silence et de solitude, paysage immuable, ciel de pierre, ordre minéral et températures négatives…  Ce luxe de passer une journée entière à attendre l’improbable ! Comme une initiation à l’art chinois du non-agir, le Wu Wei… On ne voit rien et puis subitement, elle s’impose. Elle arrivait comme la neige, et se retirait à pas de feutre, fondue dans la roche. Ils auront la chance de vivre trois apparitions divines. Plus rien ne serait désormais équivalent en ce lieu fécondé par la présence. Ni en mon for intérieur.

Ce récit est une véritable bouffée d’oxygène frais, presque trop pur, comme à 5.000 mètres d’altitude. Il montre la nature en grand angle, sa beauté brute et minérale, tout en s’interrogeant sur la place de l’homme sur la planète.  Et si ce récit pouvait laisser à ses lecteurs bien plus qu’une empreinte dans la neige…

La panthère des neiges de Sylvain Tesson, éditions Gallimard. Prix Renaudot 2019.

6 commentaires sur « QUARANTAINE, LE DÉBUT DE LA FIN ? »

  1. Merci ! Ça fait du bien de voir que le réveil de la conscience du confinement viendra de la part d’expérience des nombreux expatriés.
    Petit monde souvent dénigré, mal connu et pourtant ouvert à tellement plus que la plupart de nos concitoyens restés en France.
    L’inquiétude n’a pas de frontières mais le bon sens est une belle leçon de choses pour celui ou celle qui comme nous attendons et respectons le confinement loin de nos familles.
    On fait le choix de l’expatriation, comme ils font le choix de rester en France. Alors restez confiné et on se reverra tous bientôt où que l’on soit !

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