LE YIN ET LE YANG

Skyline eclipse, crédit : ByFab

2011-2021, France, Japon, Chine, Royaume-Uni. Ou plus exactement, Reims, Tokyo, Shanghai, Londres, ce qui n’est pas exactement la même chose… Un bon stretching mental et géographique ! Après dix ans d’Asie, nous larguons donc les amarres, avec une foule de sentiments très partagés et opposés, mais définitivement très forts !

Shanghai la belle

Arrivés en août 2014 à Shanghai, avec des yeux tout neufs et un peu ébahis, nous avons pleinement profité de cette ville et de ce pays incroyable, terre de contrastes.

Dans le désordre, et sans chercher à être exhaustive, voici ce qui m’a le plus marquée : le rythme de vie très soutenu, la foule, les sourires, les éclats de voix (le Chinois ne crie pas, il parle juste), la pollution l’hiver (surtout il y a quelques années), la nouveauté permanente, la course à la modernité et le charme de l’ancien, le côté rude -surtout hors des grandes villes- qui côtoie les mille et une astuces facilitant la vie quotidienne (ici, on fait absolument tout avec un smartphone), les gens dans la rue qui nous prennent parfois pour des animaux de zoo, et en même temps l’indifférence totale aux looks les plus extravagants (du papy en pyjama à la jeune fille en Cosplay girl)… Et la langue, on en parle ? Même après des heures de cours (j’aurais dû aller en université apprendre le mandarin, je sais), faire une phrase niveau CP, se faire comprendre et comprendre la réponse, relève toujours du challenge quotidien !

Le charme de Shanghai, malgré son manque d’espaces verts, est bel et bien réel et tous ceux qui sont venus nous rendre visite peuvent le confirmer. Son histoire riche et faite d’ombres et de lumières, ses contrastes architecturaux et sa perpétuelle transformation urbaine, sa vieille ville réduite aujourd’hui à une poignée de ruelles, l’explosion de l’art contemporain et la multiplication de ses galeries, ses bouis-bouis et micro-cafés qui résistent aux nombreux malls opulents (mais souvent vides), son Bund et sa skyline, son Ancienne Concession Française, ses coquets quartiers résidentiels excentrés, ses triporteurs et ses voitures luxueuses, ses multiples restaurants, bars et autres lieux nocturnes, etc etc…

Nous avons aussi fait quelques découvertes magiques dans le reste du pays, dont mes deux voyages préférés sont le Gansu et la région des Hakkas avec leurs maisons Tulou ! Mais la Chine se mérite. Quand on aime sortir des sentiers battus, on sait que les déplacements sont très longs car les distances sont immenses (5.500 km du nord au sud, et 5.200 d’est en ouest), que la cuisine locale ne convient pas toujours à nos fragiles estomacs européens, que les lits des « hôtels » ou chez l’habitant ressemblent plus à des planches de bois sans matelas… mais cela vaut vraiment le coup, certains sites sont de véritables joyaux ! Bref, aucun regret (à part le mandarin…), que des souvenirs forts en mémoire et des étoiles plein les yeux !

Une lueur au loin

Bien sûr, les 18 derniers mois furent très compliqués. Lorsque nous sommes repartis de Paris le 3 janvier 2020, après une délicieuse pause familiale et amicale, après avoir serré nos proches dans les bras, nous étions bien sûr loin, très loin, de nous imaginer le vide abyssal qui nous attendait. La Chine a plongé la tête la première dans l’ère covidienne – saurons-nous un jour comment – entrainant la planète entière dans un tourbillon vertigineux à l’issue encore incertaine à ce jour. Une épreuve anxiogène, longue, usante… Le plus dur étant l’absence d’horizon. Nos modes de vie au-delà des frontières nous avaient habitués à gérer le temps et les distances grâce à nos projets, nos rendez-vous, nos échéances. Fin de la récré !

Une des choses les plus difficiles à assumer pour nos familles expatriées est la séparation avec les « grands enfants » et les parents. Nous avons donc célébré les 19 puis les 20 ans de notre fils en appel-vidéo, de même que Noël et autres dates-clés. Comme beaucoup, nous avons perdu des êtres très chers, anciens ou beaucoup trop jeunes, sans pouvoir leur dire au-revoir une dernière fois.

Et puis, miracle pour nous, les planètes se sont réalignées, la fée de la chance s’est penchée sur notre foyer, et a allumé une lueur au bout du tunnel, que je vous souhaite à tous. Nous allons retrouver les nôtres, poser nos valises dans un nouveau pays, une nouvelle ville, celle de nos enfants étudiants, et ouvrir un nouveau chapitre !

Le yin et le yang

Nous avons malgré tout vécu ces derniers temps une période formidablement riche en émotions positives grâce à tous nos amis et proches. Les amis « anciens » de Shanghai, les rencontres toutes récentes que l’on voudrait avoir le temps d’approfondir, les proches et amis de très longue date du bout du monde, ceux avec qui on a repris contact « grâce » au Covid…  Il y eut aussi cette belle amitié nouée avec une « exilée » de Wuhan (oui, j’ai une amie de Wuhan et tout va bien !), un signe du destin comme il arrive parfois ! Jamais le mot so-li-da-ri-té n’aura eu plus de sens.

Louise Bourgeois « The Welcoming Hands »

Chacun, même secoué par ses émotions et ses blessures personnelles, a su donner, témoigner, se mettre à nu parfois, partager, pleurer, rire, faire rire, apporter du vrai et du léger… Une belle leçon d’humanité et des liens tissés et renforcés à jamais !

Alors voilà, même si je mesure et savoure notre chance de cette nouvelle page à écrire, je suis un peu triste. Triste de quitter cette fabuleuse ville que j’aime tant, SHANGHAI, si humaine et si touchante. Triste de quitter tous ces amis, tous ces êtres proches, qui s’essoufflent, qui n’en peuvent plus de ne pas pouvoir voir les leurs, s’échapper quelque temps du pays, au risque de ne pas pouvoir y revenir. La guerre des vaccins, les joutes diplomatiques et politiques, les frontières fermées, les quarantaines dans des conditions drastiques, auxquelles s’ajoutent tous les soucis habituels ou exceptionnels qui eux, ne se mettent pas en quarantaine… Et le tout sans date de fin, sans perspective de relaxe. On n’ose y penser, on ne veut plus rien lire sur le sujet, on voit bien que l’Occident est très très loin de comprendre ou de s’imaginer ce qui se trame ici, dans les arcanes du pouvoir, tout comme dans le cœur des gens.

Sky is the limit (crédit : ByFab)

Le sentiment d’être abandonné, on sait tous ce que c’est. Mais le sentiment d’abandonner, c’est différent… Une chose est certaine, je n’oublierai pas ceux que je laisse ici, et si je le peux, je continuerai de témoigner.

On ne devrait jamais quitter Shanghai !

Je dois cette phrase à Alain, un ami de Tokyo, au verbe enlevé, qui nous avait gratifiés à l’occasion de son départ (quelque temps après une autre épreuve, la catastrophe de Fukushima), d’un discours haut en couleurs, conclu par la désormais mythique phrase « On ne devrait jamais quitter Tokyo ! ». C’est encore plus vrai ici, « On ne devrait jamais quitter Shanghai ! »

Mais bientôt, Londres saura rouvrir les chakras et nous pousser de l’avant, sans aucun doute ! Avec la belle perspective de revoir les enfants de nos amis shanghaiens (ou d’ailleurs) qui étudient à Londres et qui auraient envie de retrouver chez nous un petit air d’Asie ou de France…

London, be ready, we are coming…

6 commentaires sur « LE YIN ET LE YANG »

  1. Coucou
    J’aimerais que tu me donnes ton avis sur le livre que je suis en train de lire : « Les disparues de Shanghai ». C’est un polar de Peter May, écossais vivant en France qui écrit beaucoup de romans se passant en Chine, qu’il semble bien connaître. J’y ai reconnu certaines de tes descriptions.
    Ton oncle préféré.

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  2. Merci à toi de nous avoir fait partager ton amour pour ce pays! J’ai adoré tes balades dans les rues de Shanghai, tes randonnées au bout du monde, tes expos dingues et si contemporaines…je ne parle même pas de vos soirées pétillantes … Londres va se prendre une grande claque avec vous😉
    À bientôt on the beach… ou à la maison!

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