EN DIRECT DE NEW-YORK

Le Réservoir de Central Park (Crédit : Tina R.)

Le fameux small world des expatriés nous donne la chance d’avoir des amis aux quatre coins du monde. On ne se voit pas très souvent certes, mais on se parle au fil du temps, ces derniers mois encore plus, et c’est très précieux ! J’ai pu recueillir les témoignages de Carine et Tina, deux amies de Shanghai, qui ont migré vers New-York en août 2019. Entre COVID-19 et mouvement Black Lives Matter, voici leurs ressentis personnels de ces derniers mois historiques…

CHRONIQUE D’UN VIRUS ANNONCÉ

Manhattan (Crédit : Tina R.)

« Nous avons commencé à entendre parler du virus Covid-19 relativement tôt. Ayant vécu à Shanghai et ayant encore famille et amis sur place, nous avons été alertés dès la fin du mois de janvier. Nous avons tout de suite été relativement inquiets et avons pris conscience de la gravité de la situation, dès lors que le gouvernement chinois a pris les décisions drastiques qui s’imposaient. Néanmoins, et malgré notre inquiétude pour nos proches, nous vivions cela à des milliers de kilomètres, sans se sentir véritablement concernés directement. »

« Ça paraissait très lointain, là-bas en Asie, et d’une certaine façon on se disait « ça va rester un virus asiatique comme le SRAS… ». Et puis, de par notre attachement encore assez fort avec Shanghai, nous avons pu suivre de près les péripéties des copains et le sale tour qu’a très rapidement pris ce virus, alors que nous disposions de peu d’infos dans les médias occidentaux. »

Conscients, inquiets, concernés mais non exposés.

UN VIRUS, 50 AMBIANCES

« Les États-Unis ont réellement pris la mesure de la situation à peu près en même temps qu’en France.  Les rumeurs commençaient à circuler sur l’annulation d’événements rassemblant un certain nombre de personnes. Puis certaines écoles internationales, dont le Lycée Français de NY, ont pris la décision de fermer leurs portes, provisoirement d’abord (le 11 mars pour le LFNY).  Les autres écoles de NY ont suivi le 12, le home office a été instauré dans toutes les entreprises, et les commerces ont baissé leur rideau, sauf ceux dits nécessaires. »

Retail for lease (Crédit : Tina R.)

En l’espace de quelques jours, la ville qui ne dort jamais s’est éteinte.

« Les 50 états du pays n’ont pas pris la mesure de la même façon, certains ont été très touchés (Californie, NY, Washington…), sans doute car plus touristiques, d’autres beaucoup moins. Quand c’est devenu une pandémie, le pays a vraiment réagi. Mi-février alors que le virus battait son plein en Chine, aux US la vie était encore entièrement normale. Début mars, on commençait à entendre de plus en plus parler du virus. Très vite la psychose était lancée et le 13 mars, le pays fermait ses frontières.

Broadway (Crédit : Tina R.)

Pendant que NY était en shut-down complet, la fête battait son plein en Floride (plages, bars, restos ouverts), les springbreakers comptant bien s’éclater coûte que coûte ! Des avions ont continué de déverser chaque jour à Miami des centaines d’étudiants pendant plusieurs semaines, alors même que plusieurs états étaient déjà passés en confinement. Le gouverneur de Floride a résisté très longtemps avant de plier sous la pression. Globalement, le confinement n’a pas été le même que celui imposé par certains pays d’Europe dont la France : les avions ont continué de voler dans le pays, pas besoin d’autorisation écrite pour justifier ses sorties, les parcs publics ou nationaux sont restés presque tous ouverts, pas de limite kilométrique en voiture, etc… Néanmoins, les rues sont devenues totalement désertes et fantomatiques, les gens se sont terrés chez eux, Manhattan s’est littéralement vidé au profit des Hamptons et autres destinations de weekend. »

Le métro de NY (Crédit : Carine B.)

AMBIANCE DE FIN DU MONDE

« Les premières semaines de confinement ont été assez anxiogènes : explosion du nombre de contaminations et du nombre d’hospitalisations (particulièrement à NYC), défaillance du système de santé (morgues improvisées dans des camions réfrigérés en plein Manhattan), pénuries de masques, de gels hydro-alcooliques, de désinfectants ménagers, de papier toilette, de riz, de pâtes etc. ! »

Gel hydro-alcoolique et masque, les deux accessoires indispensables de l’année… (Crédit : à gauche : Caroline V., à droite : Tina R.)

« Côté courses, c’est vite devenu un enfer… beaucoup de ruptures de stock et les délais de livraisons à domicile ont explosé. On s’appelait avec les copines pour se prévenir quand le drugstore du quartier avait reçu une nouvelle livraison, le camion était encore en train de décharger.  Le temps qu’on accoure, c’était déjà trop tard, rupture à nouveau… Et après des années de stockage de médicaments en Asie, à NY, je n’avais même pas une boite de paracétamol sous la main au cas où ! J’ai finalement réussi à en trouver en sachet individuel dans un kiosque à journaux devant la station de métro… En revanche j’avais eu l’excellente idée de conserver nos masques anti-pollution de Chine, ce qui nous a permis de continuer à sortir en sécurité, les masques en tous genres sont restés introuvables comme en France pendant très longtemps. »

« Le plus marquant ? Des rues désertées, un calme totalement inhabituel, des New-Yorkais qui avaient quitté la ville, des boutiques qui fermaient tous les jours, laissant place à des locaux vides avec des panneaux retail for lease/commerce à louer… »

La 5ème Avenue (Crédit : Carine B.)

Bref une ambiance de fin du monde, assez angoissante, dans cette ville habituellement si vivante, bruyante et énergisante.

HOME SWEET HOME

« La situation s’est finalement peu à peu apaisée et nous avons appris à apprivoiser cette nouvelle vie, avec la chance inestimable de pouvoir sortir à notre guise. Le gouverneur de l’état de New York a privilégié les deux mesures phares : distanciation sociale et port du masque. Central Park est devenu notre bouffée d’oxygène quotidienne.

Les cerisiers en fleurs de Central Park déserté (Crédit : Tina R.)

A contrario de l’ambiance du dehors, notre appartement n’a jamais été aussi vivant ! Les filles ont fait preuve d’une résilience incroyable. Déjà très sensibilisées par le sujet à travers ce que vivaient leurs amies et cousins en Chine depuis plusieurs semaines, elles ont, je pense, mieux compris et appréhendé ce qui se passait. Mon homme est lui aussi resté à la maison du matin au soir, mais pourtant on s’est rarement aussi peu vus, car il était en « gestion de crise » durant les premières semaines. Petite période d’ajustement familial nécessaire… Pour les enfants, le home schooling a été mis en place très rapidement et efficacement par le Lycée français de NY. »

« En effet, le lycée qui avait anticipé cette fermeture – car il avait un peu plus de temps pour se préparer que les lycées français d’Asie notamment – a mis en place un enseignement à distance sur Zoom sans faille dès le début. Les emplois du temps sont demeurés les mêmes qu’en présentiel. Avec la famille, une routine très agréable s’est vite installée. Puzzles ou séries TV après les cours, séances de sport sur YouTube, préparation des repas ensemble, jeux de cartes… Le rituel des applaudissements à 19h pour remercier le personnel soignant ponctue encore toutes les soirées. Et les parcs nationaux sont demeurés ouverts, ce qui nous a permis, les weekends, de sortir un peu de la ville. »

CE QUI COMPTE VRAIMENT…

Retrouvailles masquées à Central Park (Crédit : Tina R.)

« Quant aux amis sur place, au début, personne, rien. Puis on a commencé à se retrouver entre copines au square après l’école, 2-3 fois par semaine, avec masques et à 2 mètres de distance, ça faisait du bien de parler à quelqu’un d’extérieur au cocon familial. Pour les hommes en revanche, zéro social pendant très longtemps. En famille, les repas et les longues balades au parc étaient propices aux discussions, même si le virus a beaucoup occupé les sujets pendant un moment, trop même… et puis bien sûr les appels et apéros virtuels avec les amis. Les groupes WeChat familiaux n’ont jamais été aussi actifs qu’à cette période ! »

« Ces longues semaines ont clairement œuvré dans le sens d’un recentrage familial prioritairement, mais également amical. S’inquiéter et prendre des nouvelles plus fréquemment des personnes que l’on aime, avoir et prendre ce temps de vraiment discuter…

…et se rendre compte que c’est cela qui compte vraiment…

LE PLUS DIFFICILE À VIVRE

Le top 3 de ce qui est le plus difficile à vivre chez les uns et chez les autres :

  • « L’éloignement avec la famille et ce sentiment d’impuissance totale s’il devait arriver quelque chose à l’un d’entre nous.
  • Une frustration énorme pour notre première année d’expatriation à NYC : tout ce que nous avions engagé en termes de lien social, ou de découverte de la ville ou du pays a été stoppé net.
  • Le dernier point difficile à vivre est celui que nous vivons actuellement. Comme en Chine, les frontières des États-Unis sont fermées (carte verte et citoyens américains exclus), nous sommes donc privés de retour en France cet été, avec le risque de ne pas pouvoir revenir. »
Cérémonie de graduation via Zoom (Crédit : Tina R.)
  • « Le plus difficile à vivre c’est de ne pas pouvoir se projeter du tout. Tous les projets qui rythmaient le quotidien à court/moyen/long terme ont été stoppés net.
  • Pas évident non plus pour notre ainée qui passait son Bac : plus d’examen certes, mais la graduation des Terminales qui est habituellement une belle fête, a eu lieu sur Zoom…
  • La fermeture des frontières aussi est oppressante. On prie pour qu’il n’arrive rien en France à la famille… Grâce à nos deux enfants qui ont le passeport américain, nous allons pouvoir rentrer en France et revenir aux US, même si le pays ne rouvre pas les frontières. Tous nos amis n’ont pas cette chance… »

LE BON CÔTÉ DES CHOSES…

Coney Island (Crédit : Carine B.) et Park Avenue (Crédit : Tina R.)

  • « Les grandes promenades que nous avons faites en famille dans un NYC déserté et inédit.
  • Voir évoluer les membres de sa famille, que l’on croit connaitre parfaitement, dans des univers auxquels nous n’avons en temps normal pas accès (travail, école) a été pour moi l’occasion de découvrir une autre facette de leur caractère.

J’ai aujourd’hui le sentiment de les connaitre encore mieux et de les aimer encore plus.

  • « Mon homme dirait sans hésiter : plus de voyages d’affaires, d’avion, de décalage horaire !
  • L’entre-aide aussi. Au moment où la pénurie de masques battait de plein fouet ici, nous avons reçu de Chine plusieurs cartons de masques. J’ai pu faire des colis pour toute la famille en France, distribuer aux amis ici et au personnel dans notre immeuble qui n’en avait même pas !
  •  Le calme dans les rues, plus de sirènes… »

VIRUS RACIAL

Manifestations Black lives matter à New-York (Crédits : photos de gauche et de droite : Marta A., photos du centre : Carine B.)

« La très légitime vague de contestation qui a suivi le meurtre de George Floyd n’a évidemment pas épargné NYC. De très nombreuses manifestations ont eu lieu dans les rues de Manhattan, dégénérant souvent en émeutes, pillages. Nos nuits ont été rythmées la première semaine de juin par le ballet incessant des hélicoptères et des sirènes de police et pompiers. Certaines manifestations pacifiques sont passées en bas de chez nous, de très impressionnants flots humains descendant depuis le nord de l’ile ces immenses avenues à la perspective vertigineuse.

Sentiments mêlés entre une envie d’aller manifester et la peur de la violence d’une partie de la population minoritaire certes, mais bien réelle.

De Stay at Home à Safer at Home (Crédit : Caroline V.)

Le problème d’égalité raciale est majeur aux États-Unis. Il est flagrant et palpable dans la vie quotidienne. Il faudra plus que des manifestations (qui néanmoins sont totalement légitimes pour dénoncer et qui apportent tout de même une lueur d’espoir) pour faire évoluer les mentalités… À commencer par un changement de gouvernance dont le mantra ne serait pas « diviser pour mieux régner »!

« Il y aura un avant et un après. Toutes les enseignes et marques communiquent aux US sur Black Lives Matter. Une déferlante. Le mouvement n’est pas près de se calmer avec une année d’élection en vue. Les Démocrates y voient une opportunité en or… »

LE BOUT DU TUNNEL ?

« La situation se détend un peu à Manhattan, suite à la baisse du nombre de contaminés/décès. Manhattan est entré en phase 2 de déconfinement le 8 juin mais les événements autour du meurtre de George Floyd ont refroidi la plupart des commerçants. Pour ceux qui n’avait pas fermé boutique, des échafaudages ont été installés pour échapper à la colère des casseurs. »

Magasins barricadés (Crédit : Tina R.) / La vie reprend peu à peu (Crédit : Carine B.)

Néanmoins la vie reprend doucement, on constate que le trafic humain et automobile augmente progressivement dans les rues…

« Les chiffres à New-York sont nettement meilleurs mais ce n’est pas le cas dans tous les états, qui ont été gérés de manière très différente par chaque gouverneur. Les chiffres des hospitalisations augmentent dans certains états qui ont peut-être rouvert trop tôt… (Texas, Floride, Utah, Arizona notamment). Le temps sera long avant que ce pays sorte de la crise. »

LE MOT DE LA FIN

WHAT A YEAR!!! / REBOOT 2020 / #NYTOUGH

ON SE SOUVIENDRA DE NOTRE PREMIÈRE ANNÉE À NY !

Un immense merci à mes chères amies Carine et Tina pour leurs photos et précieux témoignages, ainsi qu’à Marta et Caroline pour leurs photos.

Hudson River Pier (Crédit : Carine B.)

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