Singapour, la ville-jardin…
Puisque depuis la Chine, nous ne pouvons à ce jour toujours pas sortir du pays pour rentrer voir nos proches en France cet été, continuons notre petit voyage virtuel. Après New-York et Tokyo, faisons donc escale cette semaine à Singapour ! Mon amie Alexia (rencontrée à Tokyo) est ce que l’on pourrait appeler une experte de l’expatriation, et Singapour, elle connait bien ! Elle a aussi vécu la catastrophe de Fukushima au Japon, donc du recul, elle en a… C’est parti pour « Vis ma vie covidienne à Singap’ » !
MÊME MADAME IRMA N’AURAIT PAS SU…
La République de Singapour est une cité-état située au sud de la Malaisie. Elle est composée de 65 îles et compte environ 6 millions d’habitants pour 700 km2. La ville de Singapour est majoritairement habitée par des Chinois (à plus de 70%), et sa densité de population est très importante (plus de 7.000 hab./km2, une des plus élevées en Asie). Son climat est équatorial, bien chaud et humide 12 mois/an, mais l’air conditionné règne en maître partout. Propreté digne de la Suisse, lois de comportement social très strictes, sécurité maximale, économie prospère, c’est aussi un pays où les inégalités sont importantes et se creusent au fil du temps. Rappelons par ailleurs que le pays a connu l’épidémie du SRAS en 2003. Impossible donc de prévoir comment le virus COVID-19 allait évoluer et être géré à Singapour…

LE CALME AVANT LA TEMPETE
Une prise de conscience assez tardive
« Ici à Singapour, nous avons entendu parler du virus en tout début d’année 2020, un peu avant Chinese New Year*. Aucune mesure particulière n’a été imposée à ce stade. Le port du masque n’était d’ailleurs recommandé qu’en cas de rhume, toux ou état fébrile. Il était alors impensable d’imaginer le confinement. Et nous pensions surtout qu’en quelques semaines le virus serait enraillé ! ».
(* Le Nouvel An Chinois a eu lieu cette année du 24 au 30 janvier 2020)
Et tout à coup, c’est le choc !
« Nous avons personnellement compris l’importance de l’épidémie début mars lors de nos vacances au Japon. Nous avons rencontré des Anglais vivant à Hong-Kong, et qui étaient bloqués sur l’archipel nippon. Les frontières de Hong-Kong étant fermées, impossible de rentrer chez eux. Nous avons alors réellement pris conscience de ce qui se passait dans le monde et nous avons surtout découvert les réactions des pays déjà massivement contaminés, bien avant Singapour. »
Un respect des consignes immédiat

« Les autorités singapouriennes ont annoncé le premier cas le 23 janvier. Le 7 février, le niveau d’alerte a été relevé du niveau jaune au niveau orange (3ème niveau sur 4) impliquant des mesures de précautions et contrôles plus stricts dans les hôpitaux, les écoles et les lieux de travail notamment. Nous étions partagés entre le sentiment de sécurité, qui a toujours été la grande force du pays, et celui de crainte avec le nombre de cas dans le monde qui ne faisait que grandir. Nous savions que Singapour ne serait pas épargné. Nous sommes entrés en confinement le mercredi 8 avril. Les Singapouriens, ainsi que toutes les nationalités vivant sur l’archipel, ont écouté les vives recommandations du premier ministre Mr Lee Hsien Loong. Les habitants, très résilients et respectueux de leur pays, sont restés chez eux, sauf pour faire un peu d’exercice et aller au supermarché. Le confinement a été suivi à la lettre, comme en témoigne le vide des lieux très touristiques, toujours envahis de monde en temps normal, c’est le cas du Merlion par exemple. »

CONFINEMENT A LA SINGAPOURIENNE
Réorganisation familiale nécessaire
« Le gouvernement singapourien nous a demandé d’éviter toute sorte de socialisation, entre amis ou avec toutes autres personnes extérieures à notre foyer. Nous ne pensions alors pas rester tous les six, mon mari Olivier et nos trois enfants, Aldric, Auguste et Joséphine, ainsi que Gina, avec nous depuis cinq ans, confinés dans notre maison pour au moins 10 semaines…
La veille du confinement, le mardi 7 avril, nous avons réorganisé la maison afin que chacun puisse avoir son propre « espace bureau » et ainsi de bonnes conditions pour démarrer l’enseignement à distance avec le lycée français, via Zoom. Olivier était déjà en télétravail depuis plusieurs jours, le gouvernement l’avait déjà largement suggéré à toute personne exerçant des activités « non essentielles » à la survie du pays. Quant à moi, j’avais deux RV Zoom par jour avec mes élèves de Petite et Moyenne Sections, ainsi que des vidéos à préparer pour alimenter la plateforme de support destinée aux parents pour suivre les activités du jour de leur enfant. »
Un début de confinement sportif…

« Les premiers jours, dans notre entourage, chaque foyer était centré sur sa propre organisation interne, nous n’éprouvions pas encore de « manque » et personnellement nous avons peu communiqué avec nos amis. A la maison, la charge de travail quotidienne pour les enfants était assez intense, chacun était bien occupé. En revanche, nous nous retrouvions tous les midis pour le déjeuner, même si parfois les plages horaires étaient courtes. Les fins de journée étaient l’occasion de faire du sport ensemble. Nous avons découvert la marche notamment à la Bukit Timah Nature Reserve ou au MacRitchie Reservoir. Les sorties en vélo, de route ou VTT, ont été une très belle expérience également, dans notre quartier comme dans de superbes endroits de l’ile méconnus pour nous jusqu’alors. »
Le moral est au fond de la gamelle…
« Puis, la routine s’installant, nous avons alors pris le temps pour échanger et organiser des Zooms apéro/café avec les copains des quatre coins du monde et nos familles, de manière plus récurrente. Nos repas à cinq étaient aussi l’occasion de s’écouter, d’échanger, de prendre le temps (enfin ?). Nous choisissions nos menus tous ensemble de manière réfléchie, nous nous inventions le chef d’un jour pour sublimer nos assiettes. Cela a été pour nous l’un des temps forts de cette malheureuse situation. Je pense également aux 18 ans de notre ainé, ce fut un autre moment important pour notre famille. Nous voulions marquer le jour J à défaut de pouvoir le fêter entre amis. Cette fin d’année scolaire 2019-2020 a été rude pour tous les bacheliers, pas de bac, pas de graduation, certains bons plans festifs annulés… Je suis triste pour tous ces jeunes si résilients ! C’est ça, mon coup dur du confinement ! »
LE BOUT DU TUNNEL ?
Un déconfinement sous très haute surveillance…

« La phase 2 de sortie du confinement (appelé Circuit Breaker ici) a débuté le 19 juin dernier et voit la reprise quasi totale des activités économiques. Mais elle reste toujours soumise à des règles strictes comme celles de distanciation, ou encore comme le scan obligatoire de QR code (comme en Chine !) pour chaque entrée dans un lieu public. Les écoles accueilleront tous les niveaux à compter du 29 juin, d’autres activités que celles reprises en phase 1 peuvent à nouveau redémarrer. En revanche, les grands événements, les bibliothèques, cinémas, bars, boites de nuit, parcs d’attractions restent fermés. Le port du masque reste obligatoire, les rassemblements à l’extérieur sont autorisés mais limités à cinq personnes, et chaque foyer ne peut recevoir que cinq personnes à la fois ! Ces mesures sont très contrôlées, voire dénoncées et assorties de sanctions pénales telles que 10.000SG$ (soit environ 6.300 euros) d’amende et six mois d’emprisonnement, voire une annulation du permis de travail. »
Apprendre à vivre avec le virus
« La vie reprend donc doucement, ce qui était nécessaire pour le bon moral de tous. Côté sanitaire, la moyenne des nouveaux cas quotidiens dans la communauté est passée de 9 à 7, puis à 4, sur les trois dernières semaines. La situation dans la communauté des travailleurs émigrés est en nette amélioration avec moins de 200 nouveaux cas en moyenne recensés par jour. Le gouvernement continue à tester toute la communauté, avec environ 10.000 tests par jour. Le pays ne prendra pas le risque d’une deuxième vague, nous devons donc apprendre à vivre avec ce virus. Ce que je n’espère pas ! »
(Info COVID : au 28/06/2020, Singapour a déclaré 37.508 cas dont 5.925 encore actifs et 26 morts. Source : https://www.gov.sg/features/covid-19)
Vers une réouverture des frontières ?
« Nous ne sommes qu’en phase 2. Les frontières rouvrent petit à petit, mais pas pour tout le monde ni pour tout type de voyage… Les visiteurs en court séjour (tourisme ou voyage d’affaires) restent interdits d’entrée à Singapour. Depuis le 18 juin, toute personne autorisée par le gouvernement singapourien à entrer sur le territoire (les résidents jusqu’alors bloqués à l’extérieur par exemple) doit subir un test de dépistage, à ses frais, au cours de sa quarantaine (Stay-home notice) dans un hôtel ou lieu spécifique dont la liste est établie par le gouvernement.
Notre été sera singapourien je pense, pas de traditionnel retour en France en juillet-août pour retrouver nos familles et nos amis. Secrètement, nous espérons encore une fenêtre pour « changer d’air » dans la zone Asie du sud-est… »
LE MOT DE LA FIN
« C’est loin d’être fini ! »

Un immense merci Alexia pour ce précieux témoignage et ces magnifiques photos pleines de couleurs ! Crédit photos : Alexia Malpel. Ces propos datant du 28 juin 2020, toutes ces mesures sont sujettes à des changements du jour au lendemain.
Au fil de ces partages d’expériences dans différents pays, je crois que nous réalisons chacun à quel point la nature humaine est spontanément « autocentrée ». Par habitude, nous regardons essentiellement ce qu’il se passe dans le pays où nous vivons, qu’il soit petit ou grand, de notre culture ou pas. Et puis un jour, les fenêtres s’ouvrent sur le reste du monde ! Un des plus beaux enseignements de cette pandémie selon moi est que nous avons tout à gagner si nous essayons d’observer et de respecter les réactions de chacun, individus et pays. Une sacrée leçon d’humilité, mais pas toujours facile. Un apprentissage quotidien, à poursuivre toute sa vie…
Passionnant 👍🏻
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Wow, merci de nous partager ce que vous vivez (et avez vécu) durant cette crise. C’est intéressant de lire comment les choses ont été gérées dans différents pays. Ici en Californie, nous étions confinés depuis le 15 Mars, et j’ai peur que le confinement ne reparte bientôt ici (nous sommes en Juillet) !
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