AVOIR LE COVID EN CHINE

Mathilde, française vivant à Shanghai depuis de nombreuses années, mère de quatre enfants, nous raconte sa récente expérience « covidienne » en plein confinement dur à la chinoise.

Confinement J-27

« Tout a démarré un soir où l’une de mes filles, Julia, 12 ans, se plaint de façon insistante de grande fatigue, d’étourdissements. Trop d’écran, pas assez d’exercice ni d’air frais, cela paraissait peu étonnant…

Nous étions confinés depuis 27 jours, nous faisions des tests antigènes et PCR tous les jours, franchement, nous ne pensions pas au Covid !

Test quotidien dans notre lane

Le lendemain matin, Julia est toute pâle et affiche une fièvre à 39 degrés. Elle décide alors de faire un test antigène et là, en quelques secondes, le 2ème trait s’affiche bien nettement, elle est positive ! On l’isole dans sa chambre et on réfléchit. C’est un peu la panique dans l’esprit de chacun car cette hantise d’être envoyé dans ces camps d’isolement insalubres – dont on a tous vu moultes vidéos et photos, et où même les enfants peuvent y être envoyés seuls (surtout s’ils ont plus de 12 ans…) – fait froid dans le dos. Avec mon époux, nous tentons de rassurer notre fille en lui promettant que nous ne la laisserons pas partir seule. Nous prévenons aussi immédiatement le consulat pour discuter des « stratégies » possibles (s’il y en a …).

Spirale infernale

Pendant les trois jours suivants, on ne nous demande plus de faire de test, ce qui nous arrange. Le consulat nous appelle tous les jours pour prendre de nos nouvelles. Puis le 4ème jour, nous sommes convoqués dans la lane (ruelle) en bas de chez nous pour faire un test PCR. Les derniers autotests de notre fille étant positifs, cela allait coincer, c’est sûr… Nous tentons une feinte, mais en vain, et après quelques heures d’attente et de stress, appel du CDC (Control Disease Center) pour nous annoncer que le résultat de test de notre fille ainée, Sarah, est positif…alors que celui de Julia est considéré comme négatif ! Sarah se met d’ailleurs à avoir les mêmes symptômes que sa sœur.

Et puisque la poisse nous colle aux semelles dans cette histoire, notre 3ème fille Marie tombe à son tour malade quelques heures plus tard. Le comité de quartier (cf détails sur cette organisation dans Escape Game) nous prévient que le départ est imminent pour Sarah.

De son côté, le consulat se démène pour en savoir plus et pour tenter de nous laisser tous à la maison le plus longtemps possible. Il nous conseille par ailleurs de nous montrer conciliants afin de réussir à négocier des conditions d’isolement correctes. Avec mon mari, nous sommes d’accord : notre fille peut partir mais à condition qu’elle soit accompagnée d’un parent.

Le lendemain c’est notre petit dernier de 5 ans, Antoine, qui tombe malade, et le surlendemain, notre ayi (nounou), qui avait choisi fin mars de se confiner chez nous plutôt que seule chez elle. Elle travaille pour nous depuis 9 ans et fait partie de la famille. Sale loi des séries ! Mais toujours sans à avoir à faire de tests officiels…

Le CDC vient alors à la maison pour « enquêter ». Les volontaires nous posent des questions sur les livraisons reçues, font de nombreuses photos de l’extérieur du bâtiment (fenêtres, jardin etc.), constatant qu’il nous était possible de nous isoler totalement du voisinage grâce au caractère non-mitoyen de notre maison et à notre petit jardin. On reprend espoir. Puis silence radio.

Période hors du temps, tendue, comme en équilibre sur un fil prêt à rompre.

L’Heure de vérité

Le 4 mai, on nous demande de faire 2 fois/jour des tests antigènes depuis notre domicile et d’envoyer les résultats. Jouant sur le nombre de personnes vivant sous notre toit, nous arrivons à tenir quelques jours de plus, en espérant que les premiers malades repassent négatifs au plus vite… Le 7 mai, « fin de la récré », le comité de quartier débarque, armé de kits PCR, pour tester tout le monde. La confusion la plus totale règne et les volontaires oublient de tester deux personnes, Marie et l’ayi ! Résultats des courses : deux enfants sont déclarés positifs, Sarah et Antoine…

Le comité de quartier tout puissant nous fait comprendre que cela devient vraiment compliqué de nous laisser à la maison. En effet, les voisins commencent à protester, à dire que nous étions à l’origine du virus dans la lane (alors qu’il y avait eu des cas dans une autre famille avant nous – chose que nous ignorions à l’époque). D’ailleurs, comment le virus est-il arrivé chez nous ? Cela reste mystérieux. Les choses s’étant légèrement relaxées à partir du 20 avril, nous avions été autorisés à descendre 2h/jour nous dégourdir les jambes dans la lane. Les enfants sont allés faire de la trottinette, jouer, promener le chien, ils ont croisé des voisins, cela a dû se transmettre par voie aérienne…

Quand notre chien pouvait se promener dans la lane…

Départ imminent

Les autorités locales parlent d’évacuer tous les occupants de la maison pour pulvériser de l’eau de Javel partout (vous avez sûrement déjà vu une vidéo montrant ce type d’intervention digne d’un film de science-fiction…). Mais c’est inenvisageable pour nous car nous avons un chien, il serait lui-même envoyé en quarantaine on ne sait où ! En parallèle, le consulat, toujours aussi présent, fait son maximum pour négocier des conditions d’isolement les plus correctes et humaines possibles. A ce moment, je leur propose de partir avec Sarah et Antoine, nos deux enfants positifs (mais qui devraient passer négatifs sous peu) et que le reste de la famille se parque (avec le chien) dans le jardin, le temps de la désinfection générale. Hourra, le CDC accepte ma proposition !

Opération Javel !

(Précision de l’auteur, toutes ces discussions et négociations se passent en mandarin, respect pour le niveau linguistique de Mathilde !)

Le lundi 9 mai au soir, on nous appelle à 21h pour nous avertir d’un départ en soirée ou le lendemain matin. Trois ou quatre appels plus tard repoussants sans cesse l’horaire, nous partons donc le mardi 10 à 22h. C’est ce qui s’appelle jouer avec nos nerfs ! Le consulat n’a pas réussi à savoir où nous sommes envoyés, « un endroit pour les étrangers » disent-ils pour nous rassurer. Mais à présent, j’en suis au stade où je veux en finir avec cet épisode.

Allons-y, nous n’avons pas le choix de toutes façons, et ensuite nous pourrons tourner la page !

Nous sommes prêts…

Quand la voiture arrive, je vois avec soulagement que c’est une ambulance, on dirait presque une limousine blanche, ambiance VIP ! C’est bon signe, cela signifie sans doute hôpital et non camp d’isolement. Mais pendant le trajet, on s’arrête pour prendre au passage une petite mamie, munie d’un sac plastique avec bassine, savon, shampooing. Et là, je réalise que j’ai pensé aux céréales, aux petites voitures, à l’iPad, à ma crème de nuit, mais absolument pas à la bassine ni au savon… et si nous n’avions pas de douche ? Et si on allait dans un camp ? Le stress monte.

Bienvenue à Javel-land !

Nous arrivons au département Fever Hospital d’un hôpital chinois de Shanghai. Drôle d’impression glauque en entrant, la réception est quasi-fermée, emmurée dans des parois en plexiglas, les lumières sont presque éteintes, et tout est recouvert d’une pellicule blanche de Javel, comme une couche de calcaire, à force de pulvérisations intempestives. Sans parler des effluves persistants de Javel n.5… Après un « check-in » un peu chaotique et dans l’incompréhension totale, on nous conduit au 13ème étage dans une chambre avec -oh bonheur- trois lits, une salle de bain et des toilettes ! Prises de sang pour tout le monde et on s’effondre, nerveusement épuisés, malgré l’odeur d’urine persistante du matelas… Mais quel soulagement d’être dans un vrai hôpital !

Le lendemain, après les classiques prises de température et de tension, descente au service CT-scan des poumons. Nous faisons la queue puis passons un par un, mon petit Antoine en premier et un peu paniqué au début. Notez qu’entre chaque patient, aucune désinfection ni quelconque nettoyage n’est effectué… NE PAS CHERCHER À COMPRENDRE, FAIRE PROFIL BAS. En fin de journée, les résultats des scans tombent et, devinez quoi, JE suis positive !!!! Je n’en crois pas mes oreilles, mais finalement, ce violent mal de tête depuis ce matin, c’est peut-être ça… Par la suite, j’ai les classiques symptômes de courbatures, d’épuisement total mais pas de fièvre.

Les repas sont déposés devant la porte. Lait, œuf dur et petit pain au petit-déjeuner, Bento-box avec riz, légumes et viande midi et soir. C’est correct. Le personnel est plutôt sympathique, on nous pose pas mal de questions sur nous, depuis combien d’années nous sommes en Chine etc. Sarah est bien occupée avec l’école en ligne. Pour Antoine, les journées sont plus longues, entre petites voitures, des heures à regarder par la fenêtre et… salvateur iPad, j’avoue…

Traitement de choc

Quelques jours plus tard, les enfants passent négatifs, c’est déjà ça ! Quant à moi, il parait que ma charge virale est très élevée. Pour aider à la faire baisser plus vite (et donc espérer rentrer chez moi), on me propose un médicament. En mode automatique (et diplomatique), j’accepte, je veux mettre toutes les chances de mon côté, mais sans trop y croire… « encore un médicament chinois aux herbes », me dis-je. Et bien surprise, on me donne le dernier médicament Pfizer contre les gros symptômes, le PAXLOVID. C’est un excellent signal, que le pays accepte d’utiliser un traitement médical occidental contre le Covid !

Un premier pas vers une solution de vaccination efficace en Chine ?

Résultat, mon test PCR quotidien passe négatif au bout de six jours seulement ! Au bout du 2ème test PCR négatif le lendemain, le 16 mai donc, nous sommes autorisés à rentrer à la maison. Après signature d’une liasse de papiers, nous  embarquons dans un bus qui desservira différents quartiers. Nos autorisations sont ensuite une nouvelle fois vérifiées au dernier carrefour, une voiture nous accompagne devant notre lane, suivie d’un mystérieux scooter. Une fois la lane déverrouillée par le « gardien des clefs » (cf. Escape Game), le chauffeur du scooter descend et se met à pulvériser le sol, sur les traces de nos pas, ainsi que nos bagages, nos semelles etc. NE PAS CHERCHER A COMPRENDRE.

Une histoire sans fin ?

Nous voilà donc tous de nouveau réunis. Nous avons sept jours de quarantaine à respecter à la maison, mais de toutes façons, cela ne change pas vraiment, puisque les récentes annonces d’ouverture diffusées sur tous les médias étrangers tiennent plus de l’effet d’annonce qu’autre chose… Notre ayi, qui avait été envoyée en camp d’isolement (traitement plus rude réservé aux Chinois…) a pu revenir rapidement elle-aussi. Et mon mari semble être passé au travers de cette mauvaise série ! Nous avons vraiment eu de la chance et nous remercions le consulat pour toutes ses actions en coulisses pour nous permettre de ne pas être séparés des enfants, et d’éviter le camp d’isolement, car ce n’est pas le cas pour tous les expatriés contaminés…

Cet été ? Nous allons probablement devoir rester en Chine (pour la 3ème année consécutive) pour raisons professionnelles (quand on est auto-entrepreneur, les choses sont encore plus complexes). Nous espérons de tout cœur que la vie, économique notamment, reprenne peu à peu son cours, d’ici fin juin.

Les rues de Shanghai…

Pour le reste, nul ne peut prédire de la suite, mais au moins, nous sommes immunisés pour quelque temps !

NB : information de dernière minute : le lendemain de notre retour, suite aux derniers tests PCR, appel du CDC pour nous annoncer que Julia est positive !!! Ma première réaction a été d’éclater de rire (jaune)… Julia a des anticorps (normal, puisqu’elle a été malade), mais sa charge virale est nulle, elle n’est donc plus contagieuse. Les appels se succèdent depuis, pour nous poser moultes questions sur son état. On croise les doigts pour qu’elle puisse rester à la maison en observation. Oh secours, réveillez-moi de ce cauchemar ! »

Un immense merci à Mathilde pour son témoignage et ses photos !

(Source : Internet)

Un avis sur « AVOIR LE COVID EN CHINE »

  1. Ce qui se passe en Chine pour l’instant et plus spécifiquement à Shanghai est surréaliste et d’une folie sans nom. On a vraiment l’impression d’être occupé à retourner loin en arrière à des temps sombres de la République Populaire. même hystérie collective, mêmes pratiques ou la chasse au(x) Covid(iens) a remplacé la chasse à la culture.
    Espérons que ce grand bond en arrière s’arrêtera avant qu’il ne soit trop tard.

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